Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Félin... bécile

Requiem humanum est... ça tombe bien, j'ai sommeil.

23 Mars 2014 , Rédigé par Scat cat Publié dans #personnel, #littéraire

Alors que, parce qu'il faut bien rire dans la vie, je faisais une cure de ces fulgurances réquisitrices dont Desproges seul semble avoir un jour trouvé le secret, son cynisme au vitriol fit mouche. Une fois encore il n'avait pas simplement vu juste, il avait surtout, sous couvert d'un humour qui n'a jamais été feint, su plaquer la perfection de ses mots sur une réalité pourtant implaquable.

[...] et comme je suis né gratuitement, je préviens aimablement les corbeaux noirs en casquette de chez Roblot et compagnie que je tiens à mourir également sans verser un rond. Ecoutez-moi bien les vampires nécrophages, vendre des boîtes en chêne, guillotiner les fleurs pour en faire des couronnes, faire semblant d'être triste avec des tronches de faux-culs, bousculer le chagrin des autres en leur exhibant des catalogues cadavériques, gagner sa vie sur la mort de son prochain, c'est un des métiers les moins touché par le chômage dans notre beau pays. Mais moi je vous préviens, croques-morts de France, mon cadavre sera piégé, le premier qui m'touche, j'lui saute à la gueule !

Pierre Desproges

Ne vous méprenez pas, lecteurs, je n'ai rien contre les croques-morts, c'est une profession nécessaire. Derrière le noir de leurs atours, ceux qui ont l'honneur de pouvoir l'exercer cachent un coeur bien plus gros que celui, comprimé sous la grisaille étriquée de leur costume-cravate de bon aloi, de la plus part de leurs concitoyens. Vous m'avez bien lu, c'est un honneur d'avoir la force mentale d'exercer une telle profession, de ceux dont l'on peut se vanter avec fierté, mais dont personne jamais ne se vantera. C'est là d'ailleurs la différence entre les hommes et les bêtes, seules ses dernières se croient autorisées à se targuer d'un honneur qu'ils ne doivent pas à eux-mêmes mais à la seule honorabilité de leur profession. Les Hommes, eux, sont auréolés d'honneur de part leurs actes mais laisse celui-ci iradier autour d'eux et en créditent ceux qui les entourent et non eux-mêmes. Mais, je m'égards, à vous, lecteurs, je dois plus de respect que mes digressions, tandis qu'à eux je dois tant hommages que rage.

 

Hommages d'abord car, soyons réalistes, plus que les hommes de loi et de justice, ils sont ceux que jamais l'on ne veux croiser ; ne dites pas à ma mère que je suis croque-mort, elle croit que je suis un salaud de flic facho... Que voilà bien une profession décriée et pas seulement par les agonisants qui, déjà, les imagines s'agiter autour de leur cadavre. La mise en bière devient alors une caricature de la mise en terre, pré-générale à ce spectacle que les asticots ne tarderont pas à donner en représentation, gratuite, elle !

Ils débarquent dans notre vie à l'un de ces moments où l'on ne veut voir personne, mais un bon croque-mort le sait, ce n'est pas à lui de s'imposer, la faucheuse, dont il copie la forme, ombre planant momentanément sur nous, en a décidé pour eux, en a décidé pour nous. Ils ne s'imposent pas, ils nous ont été imposé par ce troisième coup de brigadier marquant le début de la tragédie qui nous veut en acteur principal. Qu'il doit être dur de trouver le bon équilibre, difficile d'allier la présence de chaque instant dû à leur profession, à l'invisibilité dû, elle, aux circonstances. Alors oui, je le dis et l'affirmes, il y a plus d'honneur à pouvoir être croque-mort qu'à n'être que l'un de ces êtres interchangeables qui peuvent, au choix, révolutionner notre vie, la gouverner ou la pourrir ; libre à vous de placer les honorables professions de votre choix derrière ces trois épithètes, pour ma part mon choix est déjà posé, néanmoins une fois encore je m'écartes du sujet.

 

Des croques-morts, triste privilège de l'âge grandissant, j'en ai connu bien plus que de raison. Je ne saurais trop faire le compte, j'ai néanmoins un grand merci à dire à ceux qui ont été là au plus triste jour de ma vie. Nonobstant le terrible coup du sort qui voulu que je fus accueilli par une charmante demoiselle portant le prénom même de celle que je pleurais, ils surent, tous, faire preuve d'un professionnalisme sans faille. Présents sans pour autant être visibles, ils devancèrent le moindre de mes besoins, tout en sachant, avec la même précisions, attendre que je les exprimes avant de les satisfaire.

Une pensée particulière pour cette dite damoiselle Sandrine, qui eu à remplir une tâche qui, je l'espère pour elle, ne lui incombera plus jamais. Ils sont certes incontestablement formés, et bien formés, à leur métier, mais il est des circonstances particulières qui sont plus que difficiles à subir, des deux côtés du bureau. Elle a su, avec un tact que je n'ai jamais connu avant même chez les plus grands adeptes du mensonge sociable, énoncer deux tristes vérités que même le plus honnête des hommes n'aurait su avouer aussi facilement ; vérités que je tairais d'ailleurs moi-même, tant par pudeur que par respect pour l'être qui m'a appris la beauté de l'amour. Une pensée aussi pour cet anonyme qui, ombre dans cette antichambre du crématorium, su faire la différence entre les probablement innombrables mouvements que ma tête dû faire, vrillée qu'elle était par la peine qui m'accablait, et celui, volontaire, qui lui indiquait qu'il était plus que temps d'éloigner les enfants de cet enfer qu'ils traversaient et, se faisant, mettre fin à ces adieux que j'aurais pourtant voulu éternels...

 

Mais à côté de cela, à côté de ces hommes et femmes dont le professionnalisme n'égale que la totale discrétion, il y a aussi de beaux pourris, des êtres qui mériteraient de subir leur propre ignominie durant leur éternelle traversée du désert du Tartare. Je pense évidement à ce rapace qui, croyant avoir à faire à un continental, me sauta dessus au décès de mon père, croyez m'en, en plein milieu de la morgue de l'hôpital où il s'était éteint quelques heures plus tôt. Qu'il fut jouissif, malgré la souffrance du moment, de lui renvoyer au visage la puissance du clan rayonnant derrière moi, le tout avec un accent Corse plus parfait que le sien ne le sera jamais.

Mais, surtout, c'est à une personne plus rapace encore, à l'un de ces vampires nécrophages que visait Desproges, que je pense... La mort coûte chère, soyez-en assuré, mais jamais je n'aurais cru qu'une personne aurait l'ignominie gerbesque de facturer l'utilitaire à moitié pourrissant qui amena son employé au cimetière où il dû ouvrir un caveau, au prix exorbitant d'une procession en grande pompe ! Que cette personne soit assurée que moi, qui porte pourtant, tant de part mon éducation que de part mon sang, le plus grand respect aux personnes décédées, j'irais, suivant en cela l'exemple de Boris Vian, cracher sur sa tombe... plutôt deux fois qu'une.

Partager cet article

Commenter cet article