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Félin... bécile

Les pilules du bonheur

15 Janvier 2014 , Rédigé par Scat cat Publié dans #psycho

Etre le coeur en joie parce que l'on écrit à un ami, qu'importe si ce que l'on écrit n'est pas forcément gai... L'instant suivant être, réellement, entrain de tourner en rond dans son appartement, à rechercher une présence qui n'existe pas, quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas être emporté par cette souffrance qui vous tombe dessus sans coup frémir. Se retrouver sur le balcon, en pleine nuit, par -3° Celsius avec juste un peignoir sur le dos, pour sentir le vent, sentir le froid... se sentir vivante... Aller vers l'ordinateur et se retrouver à écrire ces mots, alors qu'une part de moi sait que je devrais dormir, ou au moins essayer.

La dépression est une amie intime et fidèle qui jamais ne vous abandonne. Une amie qui vous laisse la bride au cou mais ne l'en tient pas moins fermement, prête à resserrer son emprise à tout instant. Contrairement à une idée reçue, la dépression ne vous empêche pas d'être heureux, elle vous empêche d'en profiter et de le rester. Lorsque vous êtes au coeur de l'action qui vous procure ce bonheur, il est là, vous le ressentez pleinement, mais dès l'instant où l'action se termine... Ce n'est pas que le bonheur disparaisse le problème, c'est cette impression qu'il n'a jamais été là, que vous n'avez fait que rêver.

Une personne dépressive n'est pas en recherche d'attention, elle est en recherche de bonheur. Elle ne veut pas que les regards soient braqués sur elle, juste que l'action continue, de façon à ce que le bonheur qu'elle ressent, continu lui aussi. Si, moi, je fais le pitre, c'est pour moi en fait, pour me donner une consistance, pour donner l'illusion du bonheur car, c'est un fait, le bonheur crée le bonheur. Souriez à ses pitreries et, l'espace de ce sourire, un dépressif sera heureux, tandis qu'il vous en sera gré bien plus longtemps encore.

Conséquent logique, la solitude est le pire ennemi d'un dépressif. Etre seul, c'est n'avoir personne pour voir vos pitreries, n'avoir personne pour partager, et donc prolonger, les petits riens qui vous font un peu de bien. Etre seul, c'est ne pas avoir le bonheur de l'autre qui fini par vous gagner, agréable contagion que l'on souhaite sans fin. Lorsqu'il est, comme moi, schizophrène et veuf, en plus d'être dépressif, cette solitude est son avenir. Ne vous méprenez pas, je crois qu'un jour je ne serais plus seule ; on me l'a dit, pas promis, l'on m'a juste dit que c'était chose possible, et c'est quelqu'un que je crois qui me l'a dit. Non, si la solitude est mon avenir, c'est parce que je ne crois pas en l'avenir. Cette solitude me renvoie à cette nuit du 18 janvier 2011. Pour la première fois depuis le midi, je pouvais enfin penser... et mon deuil a alors commencé...

 

Ce deuil, à force de temps, de souffrance et de travail, je l'ai terminé. Ce fut long et difficile, douloureux aussi. Une amie, que je croyais disparue, m'a tenu la main un instant à la première heure, avant de s'effacer de nouveau de ma vie pour n'y plus jamais paraître. Un ami, que récemment j'ai découvert, m'a montré le chemin, guidé vers l'espoir d'un futur, m'aidant à le finir. Cependant, de cette nuit passée à tourner en rond pendant des heures, hurlant ma souffrance, insultants tous les dieux que je connais, avant de les supplier, l'instant suivant, de me rendre ma femme, je garde gravée en moi cette impression de néant absolu. Lorsqu'un deuil aussi fort vous tombe dessus, il emporte tout sur son passage ; passé et futur n'existent plus, seul demeure l'instant présent et il n'est que souffrance.

Le schizophrène a fini par y croire. Je vis dans mon monde, dans mes rêves. Dans ces rêves, j'étais heureux parce que j'étais avec la personne sans qui je ne me voyais pas vieillir. Dans mon présent, elle était à mes côtés tous au long du jour, tout au long de l'année ; forcément, dans mes rêves elle l'était plus encore car, dieu que je l'aimais et l'aime encore. Mais voilà, l'avenir ment, puisque pour moi ces rêves sont aussi réels que votre réalité. Qu'elle doit se régaler, la dépression, de cette aubaine inespérée pour elle. J'ai déjà mon lot de peine, sur lequel elle n'a qu'à presser un peu pour chasser le bonheur, sans même qu'il n'y ait de raisons réelles à la détresse qui alors m'accapare. Comme si cela ne suffisait pas, je ne crois plus que l'avenir existe, me retrouvant figé pour l'éternité dans cet instant, avec la dépression pour seule compagne.

 

Cela ira mieux, cela va toujours mieux. Un dépressif est une personne qu'il est difficile de prendre en pleine déprime. J'allais dire en faute, ce qui serait tout aussi juste, car bien souvent il se sent fautif ; le bonheur étant pour eux contagieux, nombreux sont les dépressifs qui se croient eux-mêmes porteurs de malheur. Force leur est de constater que cela doit être le cas, car bien des gens se détournent d'eux, comme si inviter un dépressif à une fête allait forcément la gâcher ; comme si simplement lui parler, voire juste croiser son regard, allait gâcher votre journée. Pour qui vous prenez-vous, vous qui les fuyez ainsi ? Vous n'êtes pas assez importants pour qu'ils se donnent la peine de vous parler d'eux, alors vous parler de ce qu'ils ne disent pas même à leurs intimes...

Les autres, ceux qui ont le courage de rester, le savent, eux, de toute façon un dépressif va toujours bien. Toujours il fait bonne figure, toujours il cherche à arborer un semblant de sourire. N'y voyez pas la mensonge ou négation de son état. Ce n'est que réalité, il ne ment pas plus à vous qu'à lui. Oui, un dépressif va bien, non parce qu'il n'est plus dépressif, mais parce qu'il ne l'est pas plus aujourd'hui qu'il ne l'était hier et, rien que cela, c'est déjà bien. Inutile donc de le fuir, de l'éviter. Cela ne soignera pas sa dépression, au contraire en le rejetant vous ne ferez que l'augmenter. Cela ne vous préservera pas non plus de lui, ça, c'est lui qui s'en charge ; il n'y a sans doute pas pire constat à faire pour un dépressif, que celui d'avoir peiné quelqu'un.

Du moins pas pire constat à part celui qu'il n'y a plus personne autour de lui. Je l'ai dit, il ne recherche pas l'attention, mais c'est faute de croire que quelqu'un remarque son existence, qu'un dépressif fini par se donner la mort. J'ajouterais bien une charge supplémentaire contre ceux qui les fuient comme si dépression et peste étaient synonymes. Cependant je ne suis pas naïf, ils sont trop cons, et trop imbus d'eux-mêmes, pour comprendre qu'ils sont responsables de cela, qu'ils ont sa mort sur cette conscience dont ils sont dépourvus. Les autres, ceux qui pourraient le comprendre, j'ai une chose à leur dire, de la part de tous les dépressifs : merci.

Vous n'avez peut-être rien fait d'important, mais un regard, un sourire, parfois même un, "oh pardon", lorsqu'il est dit au bon moment, fait toute la différence entre la vie et la mort. Lui qui se croyait invisible, vous l'avez vu. Alors oui, vous tous qui n'avez peut-être fait qu'un tout petit rien, sachez que vous avez probablement déjà sauvé plus d'une vie. S'il en faut beaucoup pour qu'un dépressif passe à l'acte, s'il faut vraiment que la souffrance s'accumule et dépasse de loin, de très loin, ses forces, il suffit par contre d'un rien pour qu'il rebascule de l'autre côté, pour que cette envie d'en finir ne le quitte ; au moins pour un temps.

 

Qu'il est étrange ce dépressif schizophrène. Capable de rester là, à ne rien faire, juste à regarder son écran, à regarder ce qu'il y a dessus ; à regarder quelqu'un vivre entre deux phrases échangées, à regarder quelqu'un dormir, quelqu'un être au comble du bonheur... C'est cela la magie de la schizophrénie, tout ce qu'il y a dans ma tête est réel à sa façon. Alors oui, rester là, à regarder un écran, à regarder une dernière phrase, écrite ou reçue, c'est regarder la vie. Mais, il le sait, cela ne l'amène nul part.

Qu'il aimerait ne pas être dépressif, avoir envie de quelque chose, qu'importe quoi. Avoir ces désirs dont la dépression le prive ; retrouver ces passions qu'elle a perdu, lorsqu'elle a croisé le chemin de la dépression, avoir une envie autre que "vivre, enfin"... Qui sait, peut-être ont-ils raison pour une fois ses rêves. Une envie, un désir... n'importe quoi qui lui donne une raison de sortir, une raison de côtoyer du monde et, peut-être, se faire quelques vagues amis et, peu à peu, s'intégrer dans le monde.

Au final, un dépressif ne demande que cela, être un peu entouré dans la vie. La raison est simple et je l'ai déjà dit, le bonheur est contagieux. Pas besoin de l'entourer en permanence, pas besoin d'être là pour lui, 24 heures sur 24. En fait pas même besoin d'être là "pour lui". Etre là et lui dire qu'il peut, lui aussi, être là s'il le veut, suffit le plus souvent. Vous ne trouverez jamais un dépressif avec un grand cercle de, plus ou moins vagues, amis. Cela n'est pas dû au fait qu'un dépressif est un être introverti et solitaire, mais bel et bien au fait que les relations humaines sont l'ennemi de la dépression.

Quoi qu'il en soit de lui, une chose est certaine et elle est valable pour tous. Lorsque vous croisez sur votre chemin quelqu'un la mine renfrognée, souriez lui, tout simplement. Peut-être est-ce un dépressif à qui vous offrirez un instant de bonheur. Peut-être est-ce un veuf à qui vous montrerez que l'avenir existe réellement. Ou bien, qui sait, cela peut être un chevalier qui se demande juste qui il est. Qu'importe qui est cette personne, qu'importe ce qu'elle est et ce qui se cache au plus profond de son être. De part ce petit rien, ce sourire qui ne coûte rien, pas même un effort, vous lui aurez donné une pilule du bonheur... Cela n'a pas de prix pour lui et nous vous aura rien coûté à vous.

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