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Félin... bécile

Tears in heaven

18 Janvier 2014 , Rédigé par Scat cat Publié dans #personnel

Would you know my name
If I saw you in heaven?
Would it be the same
If I saw you in heaven?
I must be strong and carry on
'Cause I know I don't belong here in heaven

Tears in Heaven Lyrics - Eric Clapton

Du matin au milieu de la nuit, ce moment où la raison l'emporte et me mène jusqu'à ce canapé qui, depuis maintenant trois ans, jour pour jour, me sert de lit, à chaque instant depuis quelques temps les larmes m'accompagnent.

Pendant longtemps, trop longtemps, je me suis cru incapable de pleurer. J'avais les larmes aux yeux, comme l'on dit, mais jamais cela n'allait plus loin. Un homme ça ne pleure pas, on me l'a assez répété comme cela. Très vite je l'ai accepté malgré moi, inconscient à l'époque de cette dualité qui m'habitait ; comme quoi ce n'était pas toujours "mieux dans le temps". Cette sentence sans appel s'est d'autant plus ancrée en moi, que les rares cas où les larmes me prenaient en traitre n'avaient rien de masculin. Avec le temps, j'ai donc fini par me brider tout seul, me coulant de moi-même dans le moule de l'homme que je ne suis pas.

 

"I'll find my way through night and day"

 

Même au décès de celle que j'appelais tendrement, "p'tite soeur", honte à moi je n'ai pas versé une larme. J'ai pourtant été touché, au plus profond de moi, par son injuste sort. Aujourd'hui encore j'ai, bien souvent, un pincement au coeur en pensant à elle. Non, les dernières larmes que je me souvienne d'avoir versées remontent à mes dix-sept ans. Il a fallut attendre vingt-deux ans, attendre ce jour que je haïs plus que tout au monde, pour qu'à nouveau elles coulent... du moins de temps en temps.

Oui, vous m'avez bien lu. Passé le choc, une fois la souffrance encaissée, absorbée, comme toutes les autres avant elle, j'ai cessé de pleurer même le décès de ma femme. Elle m'acceptait jusque dans mes faiblesses, elle ne reprochait à la femme que je suis que ses trop grandes, trop expansives, démonstrations de tendresse, mais même là je me suis forcée à être fort. Mes enfants avait perdu leur mère... de fait ils avaient perdu la force tranquille toute masculine du foyer. Je me devais de la remplacer au mieux, tout comme je me devais maintenant de faire seul ce que l'on avait déjà parfois du mal à faire à deux. Très vite, je n'ai plus eu le temps de pleurer, plus le loisir de me laisser aller.

J'étais triste et bien plus encore, les larmes au bord des yeux encore et toujours, mais rare étaient les fois où, serais-je tentée de dire, je m'autorisais à pleurer. J'avais depuis longtemps accepté la femme que je suis. Je l'avais accepté dans ses forces, car elle doit bien en avoir, autant que dans ses faiblesses, mais il est des choses que je m'étais interdites sans m'en rendre compte. Parmi elles, les larmes sont sans doute ce qu'il y a de plus visible.

"Time can break your heart, have you begging please, begging please"

 

Tant d'années, vingt-deux... non, vingt-cinq maintenant... Tant de peines, autant que de souffrances, restées en silence au fond de moi. Je ne me fais pas d'illusion, pour une fois, pleurer ne fera disparaître ni les unes, ni les autres. Pleurer, ce n'est que les laisser s'exprimer, les laisser s'apaiser dans l'espoir que, un jour, elles me laissent vivre ne serait-ce qu'un peu.

Ma vie n'a pas été facile, j'en ai bavé plus que beaucoup, mais tellement moins que certains. J'ai manqué de chance parfois, d'autre fois j'en ai eu des impensables. La plus belle d'entre elles fut ma femme... tout comme elle fut au final source de ma plus grande souffrance. Toute chose se doit de s'équilibrer, mais dieu qu'elle devait être grande cette chance, pour qu'il n'y ait d'autre moyen de rétablir l'équilibre des choses...

Mais, c'est la le schizophrène qui parle. Si le monde fonctionnait réellement ainsi, il y aurait non seulement plus de souffrance en ce monde, mais aussi, et surtout, bien plus de cette justice que l'on nomme "divine". La réalité est nettement plus simple, beaucoup trop d'ailleurs, au point d'en être parfois dur à accepter. Ma femme est décédée parce que... parce qu'en l'état de sa santé ce jour-là, à ce moment-là, il ne pouvait en être autrement. Ainsi est, hélas, la réalité du monde dans lequel l'on vit ; ce monde dans lequel je vis moi aussi, même si je préfère de loin celui dans lequel la maladie m'enferme.

Toutefois, toi qui sait que c'est ta présence, que ce sont tes mots, qui ont créés tout cela. Toi qui sais qu'il y a encore à peine deux mois de cela, j'étais loin, bien loin de pleurer autant qu'aujourd'hui. Toi qui sait que c'est toi qui a brisé cet interdit que je m'étais imposé malgré moi, range cette moue et arrête de chouiner. Oui, depuis plus d'un mois, à chaque instant de ma vie je pleure, parce qu'à chaque instant de ma vie je me trouve confronté au souvenir d'une peine ou d'une souffrance que je n'ai pleurée.

Serais-je schizophrène, que je te trouverais un nom à la hauteur de cette onzième incarnation de Vishnou que tu es. Messager, envoyé cette fois par Shiva, le grand destructeur qui n'anéanti des mondes que pour mieux les reconstruire. Car c'est cela que tu as fait. Tu as cassé bien des choses en moi, toutes les choses qui pouvaient l'être et qui, surtout, devaient l'être pour qu'un jour je puisse renaître.

 

"Beyond the door there's peace I'm sure ../.. And I know there'll be no more tears in heaven"

 

Quel dommage que, pour le schizophrène que je suis bel et bien, même si toi tu n'es pas Vishnou, cette porte qu'est l'avenir n'ai jamais figuré que dans mes rêves éveillés... Pour autant, je me surprends à lui dire "merde" à ce schizophrène, "merde" à cette maladie qui m'entrave malgré moi. Elle est là à jamais, liée à moi plus surement encore que ne peut l'être mon corps, mais maintenant, aujourd'hui plus que les autres jours, j'ai envie d'y croire...

Cette porte existe et, pour moi, pour les enfants, pour elle aussi qui me les a confié malgré elle, j'ai envie de la trouver et d'arriver un jour à la franchir...

Probablement la meilleure interprétation qu'il ait jamais faite de cette chanson. Ecrite quelques mois plus tôt, suite au décès accidentel de son fils de quatre ans, c'est avec toute l'émotion du deuil, mais sans sa souffrance, qu'elle est ici interprétée...

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