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Félin... bécile

Et moi dans tout cela ?

5 Janvier 2014 , Rédigé par Scat cat Publié dans #personnel

"Bonsoir... vous ne me connaissez pas . mais vous avez repondu a mon msg désesperé en mai 2011 votre reponse m a peut etre sauvé la vie. je venais de perdre mon mari. maintenant, je vais bien .je voulais juste vous en remercier J ai 59ans et j ai un enfant de votre age .Je vous embrasse."

Après le décès de ma femme, le lendemain pour être précis, je me suis inscrit sur un forum d'entraide. J'étais complètement perdu face à une souffrance que personne ne peut imaginer s'il ne l'a pas connue. Je n'avais aucune idée précise de ce que je cherchais, j'avais juste besoin de ne pas me sentir seule, besoin d'être écoutée.

 

Sur ce forum, j'ai trouvé des personnes qui vivaient la même chose que moi. Cela semblera probablement égoïste à ceux qui n'ont pas traversé cette épreuve, mais ce que l'on ressent à ce moment là est si puissant, si ravageant. On a vraiment l'impression d'être les seuls, non pas parce que l'on pense notre souffrance pire que celle des autres, mais parce que l'on ne peut pas imaginer un seul instant que quelqu'un puisse survivre à cette impression que chaque atome de l'univers n'est, n'a jamais été et ne sera jamais, que ce maelström de souffrance qui nous est tombé dessus en un instant et a balayé sur son passage notre passé, notre présent et notre avenir.

La première chose que j'ai donc vu sur ce forum, c'est que tous l'on ressent une telle souffrance. Tout d'un coup, on n'est plus seul... Même en ne parlant à personne, on n'est plus seul. Croyez-moi, ce constat à lui seul a un effet énorme. La souffrance ne disparait pas, mais elle est déjà plus facile à porter. Alors, lorsque j'aidais les gens, l'une des premières choses que je leur disais c'était cela, qu'ils n'étaient pas seuls, que nous aussi on avait vécu cela et que l'on était là pour les écouter. L'on savait de quoi ils allaient parler, ils n'avaient donc pas à avoir peur, pas à chercher à expliquer. Qu'ils décrivent et l'on comprendrait.

La seconde chose que j'ai vu, c'est que l'on survivait. Cela aussi ça fait du bien. La troisième chose par contre fait très mal, même dans la douleur l'être humain tend à être clanique et égoïste. Je me suis fait à l'idée et je suis devenu, aux yeux d'une poignée, le petit con de service. Un petit con qui était la moitié du temps la seule personne à répondre à bien des appels à l'aide.

 

J'étais venu à la recherche de réponses et d'un peu d'aide. Pendant prêt de deux ans, j'ai beaucoup aidé et encore plus répondu. Le résultat, il est en tête de ce billet, des messages de remerciements. J'en ai pris un vieux, les autres, y compris celui que je viens de recevoir et qui ce soir m'inspire, sont souvent beaucoup plus personnels, beaucoup plus intimes ; trop pour être exposés en public, même dans l'anonymat le plus complet. 

Je ne tire aucune gloire d'avoir aidé ces personnes. N'est-ce pas normal de prendre la main d'une personne qui appelle à l'aide ? A moi en tout cas, cela me semble naturel. Je n'ai jamais rien attendu en retour de mon aide, pas même un merci. Mais, oui, lorsque je recevais des messages comme celui-ci, cela me faisait chaud au coeur.

 Cela d'autant plus lorsque, comme c'est le cas pour le message que j'ai cité ou celui que j'ai reçu aujourd'hui, ces messages arrivent des mois, parfois une année, après les évènements. Pour quelqu'un qui vit reclu non par choix mais par maladie, qui n'a strictement aucun contact humain à part ses enfants ; pour quelqu'un qui aimerait plus que tout apprendre à avoir des contacts humains, parce qu'il souffre à chaque instant qui passe de son isolement ; bref pour quelqu'un comme moi, découvrir que des gens savent que j'existe, même s'ils ne connaissent de moi qu'un pseudonyme sur un site, croyez-moi, cela fait chaud au coeur.

 

Mais voilà, j'étais venu à la recherche d'aide, j'étais venu en plein désespoir, et de l'aide, j'en ai reçu très peu et elle s'est très vite tarie. La faute n'incombe pas aux autres, la faute m'incombe à moi. J'ai, ancré au fond de mon esprit, le fait que je n'ai pas le droit de demander de l'aide. Ce qui m'arrive est ma faute et c'est à moi de me démerder pour m'en sortir. Le mieux que j'ai fait, deux fois, deux petites fois de rien du tout dans ma vie, c'est de tendre la main en silence. Quelqu'un a pris cette main, la même personne les deux fois. Et à chaque fois, parce que cette main, pour avoir la force de la tendre il fallait vraiment que je sois encore plus bas que le fond du gouffre, cette personne m'a sauvé la vie. J'espère qu'elle sait que, malgré tout ce qui a pu se passer entre nous au fil des années après qu'elle m'ait pris la main la première fois, je lui en suis reconnaissante à vie.

Toutes les autres fois j'ai fait le fier, j'ai fait celui qui était plus fort que cela, celui qui s'en sortirait puisque les chats retombent toujours sur leurs pattes. Toutes les autres fois, j'ai fait un pas en avant et cinq en arrière. J'aimerais bien un peu d'aide, mais bon ce n'est pas grave si personne ne veut m'en donner, c'est juste pour traverser une fissure de la taille d'un gouffre sans fond, mais forcément vous me connaissez, vous savez que j'exagère toujours.

J'ai été élevé comme cela, un homme ça ne pleure pas, un homme ça n'appelle pas à l'aide. Un homme ça se démerde tout seul, alors tu arrêtes de chialer et tu te relèves. Le fait que je sois une femme, même si mon corps est de sexe masculin, tout le monde s'en foutait royalement ! Et moi, moi je n'ai pas la force d'une personne que je connais, je n'ai pas cette force qu'ont les hommes. Alors je ne me suis pas rebellé, j'ai cru que le problème c'était moi. Tout cela à fini par s'ancrer au plus profond de moi et, serais-je entrain de me vider de mon sang, que je continuerais à dire que ce n'est pas grave, que je veux bien un peu d'aide, mais que je suis plus forte que cela, que je survivrais... bah, au moins une seconde ou deux... mais cela je ne le dirais jamais.

 

Un jour, j'aimerais qu'une personne passe prêt de moi et s'arrête. Qu'elle me regarde et qu'elle comprenne que derrière la superbe que je cherche à afficher en toutes circonstances, que même aujourd'hui j'ai pitoyablement tenté d'afficher, se cache une énorme détresse, un puissant besoin d'un tout petit peu d'aide pour apprendre à vivre et pour ne plus être enfermé dans cette solitude qui m'étoufe, me ronge et m'achève à petit feu.

Une fois, rien qu'une fois, j'aimerais que quelqu'un prenne cette main que je n'arrive pas à tendre. Parce que moi, moi qui donne de mon temps quitte à ne plus en avoir pour moi, moi qui donne de mon énergie quitte à en souffrir, pour aider les autres... moi, qui m'aide ?

 

Mais... Même dans un billet qui ne s'adresse à personne et parle à tout le monde, même de cette façon j'ai ce besoin impérieux de sauver les apparences, de donner l'impression que tout cela ce n'est pas grave... Alors, je vais essuyer mes larmes un instant, me donner une consistance et, pour afficher cette superbe qui m'est obligatoire, je vais paraphraser un ami qui compte beaucoup à mes yeux :

Je suis un chat ! Et un chat retombe toujours sur ses pattes !

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